La BNB revoit ses prévisions de croissance à la baisse en raison de la guerre en Ukraine. L'inflation devrait être supérieure à 7% cette année, ce qui risque de provoquer un emballement des coûts salariaux.
Les nouvelles perspectives économiques de la Banque nationale (BNB) sont clairement beaucoup moins bonnes que les précédentes, qui dataient de trois mois seulement. En cause bien sûr, l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Ceci étant, la Belgique ne devrait pas subir une forte récession économique ni une stagflation, selon la BNB.
Ainsi donc, la croissance devrait être légèrement négative au deuxième trimestre, avant de se reprendre, ce qui permettrait de terminer 2022 avec une progression du Produit intérieur brut (PIB) de 2,4%, contre 2,6% initialement attendu. Pour l'an prochain, à cause d'un début d'année difficile, la croissance ne devrait atteindre que 1,5%, contre 2,4% visé auparavant. Pour 2024, la BNB s'attend à une croissance de 1,9%, mieux que 1,6% comme précédemment estimé.
Sur les trois années considérées, l'impact négatif sur la croissance est de 1% du PIB. "Cela reste acceptable, surtout si l'on compare avec les souffrances humaines sans nom en Ukraine", relativise le gouverneur de la Banque nationale Pierre Wunsch. "Nous continuons à créer des emplois et nous ne prévoyons qu'une légère progression du chômage."
Dérapage des coûts salariaux?
La Banque nationale a aussi fortement revu sa prévision d'inflation pour 2022 de 4,9 à 7,4%, à cause de la forte augmentation des prix de l'énergie et de nombreux produits alimentaires de base, tels que les céréales et les huiles. L'inflation sous-jacente (c'est-à-dire à l'exclusion des produits énergétiques et alimentaires) est bien moins importante, de l'ordre de 2,9%, mais cela reste néanmoins un chiffre élevé. On risque dès lors un dérapage des coûts salariaux, une moindre croissance économique et un déficit budgétaire plus important. En 2023, l'inflation devrait ralentir aux alentours de 2,2%.
Pierre Wunsch observe que l'accélération de l'inflation se répercute progressivement sur les salaires, via l'indexation automatique. Les salaires horaires dans le secteur privé augmenteraient de 5,1% en 2022 et de 5,4% en 2023. En deux ans, le salaire horaire grimperait ainsi de plus de 10%. En trois ans, jusqu'en 2024 inclus, les coûts salariaux vont même augmenter de près de 13%, ce qui équivaut à 20 milliards d'euros. Du jamais vu.
Cette forte hausse des coûts salariaux va bien sûr peser sur la compétitivité. "Les prévisions actuelles ne font toutefois pas état non plus de spirale
prix-salaires de longue durée, même si ce risque est davantage présent qu'il ne l'était en décembre dernier", nuance Pierre Wunsch. La pression inflationniste fléchirait ensuite au cours des deux prochaines années.
Bien sûr, les pays voisins subiront également des corrections salariales, mais probablement moins fort et moins rapidement que la Belgique où prévaut l'automaticité de l'indexation.
Dans les rangs patronaux en tout cas, on ne cache pas une certaine inquiétude. "Si nous continuons ainsi, nous craignons dans quelques mois des fermetures, des délocalisations et des restructurations dans l’industrie exportatrice", met en garde Edward Roosens, économiste en chef de la Fédération des entreprises de Belgique (FEB).
"La FEB attend des actions préventives urgentes dès maintenant pour éviter les scénarios désastreux des années 70. Il est hors de question de minimiser ou de reporter", lance pour sa part Pieter Timmermans, CEO de la FEB, à l'adresse du gouvernement.
Pression sur le pouvoir d'achat
Le pouvoir d'achat des ménages augmentera, lui, légèrement cette année (0,6%), mais nettement moins que ce qui était prévu en décembre (2%). Les hausses de prix ne seront en effet pas intégralement amorties par l'indexation. Deux raisons à cela. Premièrement, les mécanismes d’indexation s’enclenchent avec un certain retard (selon les secteurs). Deuxièmement, les carburants automobiles sont exclus de l’indexation.
Incertitude
Les incertitudes qui entourent ces prévisions sont évidemment très importantes. "Cette analyse repose sur un scénario qui semble plausible aujourd’hui, mais qui ne reflète en aucun cas l’incidence du pire scénario", prévient la BNB.
Elle n'exclut pas que le conflit puisse continuer de s'aggraver et que l’Union européenne décrète par exemple un embargo complet sur les importations énergétiques en provenance de la Russie, à l’instar de la décision des États-Unis.
"Cela engendrerait de plus fortes perturbations dans les processus de production et un coût macroéconomique alourdi. Une solution politique rapide au conflit militaire pourrait en revanche avoir un effet positif sur les perspectives", prédit encore la BNB.