Comment rendre l'indexation des salaires plus efficace, afin qu'elle protège plus équitablement le pouvoir d'achat? Philippe Defeyt propose une harmonisation sur base d'une indexation semestrielle.
La perte du pouvoir d'achat due à l'inflation galopante fait l'objet de nombreux rapports et interventions dans les médias. BNB, OCDE, et mercredi, le rapport intermédiaire du groupe d'experts mandaté par le gouvernement. Ces experts proposent notamment de revoir le système d'indexation des salaires et d'anticiper l'indexation des barèmes fiscaux dès juillet 2022.
L'économiste Philippe Defeyt fait partie de ce groupe d'expert. En tant que responsable de l'Institut pour un développement durable (IDD), il a développé, de son côté, une analyse fine de l'impact spécifique des mécanismes d'indexation dans le contexte actuel.
Des modalités différentes
Il a comparé trois modèles d'indexation: dans la fonction publique, pour la CP200 (plus de 500.000 employés) et pour la CP310 (la commission paritaire des banques). Ceux-ci sont très différents.
Ainsi, dans la fonction publique, il y a une indexation de 2% quand l'indice-pivot est franchi. Les travailleurs de la CP 200 ne peuvent être indexés qu'en janvier, sur base d'un système de lissage. Dans le secteur bancaire, l'adaptation des salaires se fait tous les deux mois, sur base d'un pourcentage d'évolution de l’indice-santé.
Des résultats parfois étonnants
L'analyse de Philippe Defeyt s'est focalisée sur deux salaires: 2.500 et 3.500 euros brut, pour un statut d'isolé.
"La différence cumulée sur trois ans de l'écart entre le net théorique (qui suppose qu'à chaque indexation le net augmente comme le brut) et le net observé varie – à prix constants de mai 2022 – entre plus ou moins 200 euros et plus ou moins 900 euros; ce n'est pas peu!", constate l'économiste de l'IDD, qui précise que pour les salariés de la CP200 gagnant un brut de 2.500 euros/mois, la différence cumulée est négative.
Il remarque encore que le salaire net réel, c'est-à-dire déflaté par l'indice des prix à la consommation, ne revient, fin 2023 (sur base des prévisions du Bureau du plan), à son niveau de début 2021 dans aucune des situations étudiées...
Il pointe encore que les salaires dont le net augmente comme le brut améliorent "tendanciellement" la protection du pouvoir d'achat". "Le pouvoir d'achat est érodé en cours d'année en cas d'indexation du salaire brut parce que le barème fiscal n'est indexé qu'une fois l'an", et l'impact négatif diffère selon les règles de la CP.
Les employés de la CP200 sont ainsi "particulièrement maltraités", enregistrant un recul du pouvoir d'achat significativement plus élevé que les travailleurs des deux autres catégories analysées.
Comment harmoniser?
Philippe Defeyt regrette donc un manque de cohérence du système. Il estime qu'il faudrait adapter le barème fiscal à chaque indexation des salaires bruts pour que l'augmentation en net soit égale à l'augmentation en brut. Pour ce faire, il faudrait aussi harmoniser les mécanismes et modalités d'indexation des salaires bruts entre les différents secteurs d'activités.
Comment réaliser cette grande réforme? Philippe Defeyt propose une indexation des salaires et les barèmes fiscaux chaque semestre, sur base de la même référence. Le barème fiscal appliqué lors de l’enrôlement serait la moyenne des deux derniers barèmes semestriels. Les dépenses publiques (subsides aux secteurs sociaux, les transferts du Fédéral vers les Régions et Communautés, les bourses d'études...) et allocations sociales suivraient ce même mécanisme d'indexation.
Une telle réforme permettrait aussi de comparer plus facilement les salaires ou l'écart entre allocation sociale et salaire net, ou encore de mieux évaluer la capacité d'emprunt.